Glenn Brown
Suffer Well
Glenn Brown est l’un des artistes contemporains britanniques parmi les plus singuliers. Sorti diplômé de la célèbre école londonienne Goldsmiths College en 1992, il avance à contre-courant. La peinture, figurative de surcroît, est à cette époque le parent pauvre des médiums artistiques. Alors que ses contemporains se demandent « Pourquoi prendre la peine de peindre ? », Glenn Brown entend faire du pinceau des maîtres anciens, tel Vincent van Gogh, le sujet de ses peintures.
Cet été, la Fondation Vincent van Gogh Arles met l’artiste à l’honneur en lui consacrant une rétrospective majeure, réunissant près d’une trentaine d’œuvres. L’événement est de taille, non seulement car la dernière rétrospective sur son œuvre, en France, remonte à l’année 2000 mais aussi car sont réunis les trois médiums : peinture, sculpture et dessin.
Depuis 2013, Glenn Brown pense le dessin comme une expression artistique autonome et dont la surface est recouverte par un ensemble de taches et de lignes sinueuses qui s’enchevêtrent et se répondent. En outre, ses dessins entretiennent un rapport thématique et viscéral avec ses peintures et ses sculptures. Ces dernières arborent des coups de pinceau affranchis de la surface plane de ses peintures pour constituer un agglomérat condensé, bariolé, sur une base en bronze. Les trois nouvelles sculptures conçues pour l’exposition « Suffer Well » peuvent être perçues comme des traductions, en trois dimensions, de la touche de Frank Auerbach et de la chromie, trompeuse et vieillie, des reproductions des œuvres de Vincent van Gogh. L’une d’elle, Champ d’iris près d’Arles, peinte par Van Gogh en 1888 et présentée dans l’autre exposition, a fourni la palette chromatique à l’œuvre sculpturale The Flowers of Arles de 2016. Cette profusion de matière tactile dialogue avec des toiles sans relief qui donnent, elles aussi, l’impression d’un jeu de textures et de masses visuelles fiévreuses.
C’est ainsi que l’art de Glenn Brown nous dévoile la force subjective de ses traductions des reproductions d’œuvres de maîtres anciens, de l’atomisation de la peinture ainsi que de l’inépuisable inventivité de sa pratique qui s’approprie les styles et les couleurs des dessins et des peintures classiques. Il émane de ses œuvres – dessins et peintures confondues – une réalité plurielle, floue et flottante où l’ambiguïté visuelle évoque celle propre à notre époque numérique.
À l’image du titre de l’exposition, qui emprunte son nom à une chanson du groupe Depeche Mode ainsi qu’à l’une des peintures présentes dont le motif s’est construit à partir de la célèbre toile de Van Gogh Crâne de squelette fumant une cigarette (1885-1886), la pratique de Glenn Brown se nourrit d’un entrelacs de références « dissonants », du baroque au réalisme allemand, de la musique new wave au genre de l’horreur, en passant, bien entendu, par les œuvres de Van Gogh, qu’il regarde et examine avec la précision d’un orfèvre.
Commissaire de l’exposition : Bice Curiger