Laura Owens & Vincent van Gogh
Métamorphosant le rez-de-chaussée de la Fondation Vincent van Gogh Arles pour accueillir sept toiles exécutées par Vincent van Gogh dans les dernières années de sa vie, Laura Owens a conçu un papier peint monumental, réalisé à la main. Si ces salles, dessinant un univers suspendu entre le prémoderne et le contemporain, peuvent évoquer les intérieurs tapissés que Van Gogh a rencontrés pendant son séjour arlésien, elles convoquent aussi le monde des scanners, de Photoshop et de l’impression numérique.
Les motifs de ce papier sont inspirés de l’œuvre de la dessinatrice anglaise Winifred How, qui a étudié à Londres au début du xxe siècle. En lui empruntant des dessins et en les retravaillant pour créer une toile de fond aux tableaux du peintre néerlandais, Owens souligne le contraste entre le statut posthume de Van Gogh, devenu une figure mythique, et celui de How, restée quasiment inconnue.
Chacune des créations de Laura Owens pose des questions inédites sur la peinture aujourd’hui, sur son lien avec les matériaux, procédés et traditions qui ne sont pas identifiés comme relevant de cette discipline. Ici, l’artiste américaine propose une installation complexe où le papier peint devient une œuvre contextuelle. Sa réalisation a nécessité le recours à de nombreuses techniques – sérigraphie, flocage, impression au bloc de bois, aérographe, sable noir, pastel, aquarelle – ainsi que l’ajout d’éléments peints à la main. Certaines parties du papier peint comportent plus de cinquante couches de sérigraphie ; les peintures employées contiennent parfois des pigments iridescents dont les couleurs changent selon la lumière. Owens suggère également qu’une peinture peut en accueillir d’autres – dans le cas présent, celles de Van Gogh et les siennes.
S’il n’avait jamais été affiché aussi clairement, l’intérêt d’Owens pour Van Gogh s’est manifesté dès les premières expositions de l’artiste américaine. Son tableau représentant des mouettes (Sans titre, 1997), inclus dans l’exposition, est une variation sur Champ de blé aux corbeaux de Van Gogh (1890). De même, beaucoup des premiers collages d’Owens intègrent des photographies de tableaux du peintre néerlandais qu’elle a prises dans des musées ; et lorsqu’elle commence à expérimenter l’empâtement, c’est en partie en référence aux surfaces lourdement travaillées des œuvres tardives de Van Gogh.
Laura Owens a mené des recherches approfondies sur l’origine puis le parcours de chacune des toiles de Van Gogh présentées ici, aujourd’hui conservées dans des collections et musées du monde entier, aboutissant à la création d’une série de livres d’artiste. Exposés à l’étage, ces livres sont également marqués par le séjour de Laura Owens à Arles en 2020, durant la première vague de la pandémie de Covid-19.
Dans le cadre d’un projet parallèle à l’exposition, Laura Owens pilote « l’Atelier du Midi » de Luma Arles – une maison temporairement aménagée en logement et atelier, qui accueillera des artistes pendant les deux années à venir. Elle a créé des carreaux et des céramiques pour le lieu, auquel chaque résident apportera ensuite sa contribution personnelle. En s’installant à Arles pour saisir la lumière et le climat de la ville, Vincent van Gogh nourrissait notamment l’espoir de fonder une association d’artistes, de s’unir avec d’autres peintres au sein de ce qu’il appelait un « atelier du Midi » ; depuis le début de sa carrière, Laura Owens s’applique, à son tour, à créer des communautés d’artistes.
Commissaires de l’exposition : Bice Curiger & Mark Godfrey
Avec l’aide de Julia Marchand et Margaux Bonopera